Tinctoris Johannes

Culture, Musique

Braine-l’Alleud ou Nivelles c. 1435, Rome 1511

Aux XIVe et XVe siècles, il n’est pas rare que Rome recrute en pays wallon des chantres pour la Chapelle pontificale. Les provinces du Nord doivent leur réputation à des représentants majeurs de la musique polyphonique : le liégeois Johannes Ciconia et le Hennuyer Guillaume Dufay. Les qualités de Gilles Binchois sont aussi clairement établies. Ils sont les incontestables références pour les jeunes générations où émerge le jeune Johannes Tinctoris, qui est cependant davantage influencé par Jean Ockegem : ce dernier s’est fait l’interprète doué de l’œuvre de Dufay auprès des cours françaises.

À l’époque, toutes les compositions musicales sont régies par les lois du contrepoint, qui connaissent des variantes selon les modes. Chez Tinctoris comme chez Ockegem, « le contrepoint est une écriture essentiellement horizontale où chacune des voix est perçue comme indépendante des autres ». Vers 1480, Tinctoris s’appuient sur les œuvres d’Ockegem comme modèles à ses contemporains, lorsqu’il est appelé à la cour du roi Ferdinand d’Aragon à Naples.

Originaire du roman païs de Brabant, Tinctoris effectue des études de Droit à l’Université d’Orléans où il est le « délégué des étudiants de la Nation germanique ». Maître de musique et des enfants de chœur de la cathédrale Sainte-Croix (1460-1465), il occupe les mêmes fonctions de maître du chœur à la cathédrale Saint-Lambert de Liège (1474-1476), à l’heure de la reconstruction de la cité, détruite en 1468 par Charles le Téméraire. De 1476 à 1481, il remplit les fonctions de chantre et de chapelain auprès du roi Ferdinand d’Aragon, à Naples. De 1481 à 1483, il fut de nouveau succentor à Liège, avant de retourner à Naples jusqu’en 1487. Grand voyageur, Tinctoris recrute des chanteurs pour Ferdinand d’Aragon et est invité à la cour de Bourgogne, à celle du roi de France Charles VIII. On le retrouve un temps à Nivelles et il semble achever sa vie à Rome, où il chante encore comme membre de la chapelle papale jusqu’en 1500.

Comme ses devanciers, Tinctoris répand en Italie et dans toute l’Europe les principes de l’art de la musique tels que les pratiquent les musiciens du pays wallon. On doit aussi à Tinctoris d’importants ouvrages de « musique pratique ». Dans une douzaine de traités, ce théoricien de premier plan décrit tous les stades de l’apprentissage des musiciens ; il s’agit de l’initiation la plus complète et la plus claire à la pratique de la polyphonie à la fin du XVe siècle. Par ailleurs, son Terminorum musicae definitiorum est considéré comme le premier dictionnaire des termes musicaux.

Sources

Robert WANGERMÉE, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 262
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 305-306 ; t. IV, p. 354
Léopold GENICOT, Racines d’espérance. Vingt siècles en Wallonie, par les textes, les images et les cartes, Bruxelles, Didier-Hatier, 1984 p. 136