Sesserath Léon
Militantisme wallon, Politique
Namur 22/04/1881, Dinant 01/10/1958
Frère de Simon (juriste) et d’Alphonse Sasserath (dentiste), l’avocat Léon Sasserath s’illustrera surtout en politique, en tant que sénateur et que maïeur de la ville de Dinant pendant près de vingt ans, tout en ayant un engagement politique wallon affirmé.
Candidat libéral lors des élections communales d’octobre 1911, Léon Sasserath contribue au raz-de-marée favorable aux partis qui s’opposent au gouvernement catholique en place à Bruxelles. Sur le plan local, la rivalité entre cléricaux et anticléricaux est aussi très vive à Dinant, surtout depuis 1896. Alors que les libéraux étaient sortis vainqueurs des urnes et s’apprêtaient à garder la direction de la ville, le ministre de l’Intérieur donnait satisfaction à une plainte du parti catholique ; recommencée (janvier 1896), l’élection dinantaise apportait au parti catholique d’Ernest Boulangé la majorité qui lui faisait défaut. Le duo que formait le bourgmestre avec son échevin Georges Cousot paraissait indéboulonnable à ses opposants progressistes, quand, début 1910, Ernest Le Boulengé remettait sa démission et se retirait de la vie politique. Le décès soudain de son successeur ouvrait toutes les perspectives en octobre 1911. En janvier 1912, le libéral Victorien Barré redevenait bourgmestre, mais démissionnait en février 1914. Le libéral Arthur Defoin le remplaçait alors à la tête d’une cité qui allait devenir martyr, le 23 août 1914. À l’entame de l’occupation allemande, Léon Sasserath entre dans le collège échevinal pour faire face aux événements.
La position stratégique de Dinant en a fait un objectif névralgique tant pour les Français qui ne veulent pas perdre cet ancrage sur la Meuse que pour les Allemands qui entendent contrôler tous les ponts sur le fleuve. Au lendemain d’une confrontation violente entre les deux armées, les troupes saxonnes s’en prennent aux civils dinantais et, mutatis mutandis, font revivre à la cité un drame aussi atroce qu’en 1466, lorsque les Bourguignons incendièrent la cité mosane. Impuissant face à la fureur allemande alimentée par une peur panique de pseudo francs-tireurs (23 août), Léon Sasserath est retenu comme otage dès le soir même, « par mesure de sécurité », avec le bourgmestre et d’autres notables. Par la suite, les Allemands vont retenir prisonniers 33 ecclésiastiques à Marche, tandis que sont envoyés en Allemagne, à Cassel précisément, 416 civils dont l’échevin Léon Sasserath, le bourgmestre Defoin, une dizaine de magistrats, les employés de la prison, des professeurs du collège communal, et bien d’autres, jeunes et vieux. Sans enquête, interrogatoire ni jugement, ils sont maintenus en détention à Cassel pendant trois mois. Aucune charge n’étant retenue contre les 400 compagnons d’infortune, ils sont autorisés à quitter Cassel et à rentrer à Dinant. Sasserath y revient fin novembre et retrouve ses fonctions scabinales. Il les utilisera pour rendre un maximum de services à la population jusqu’en 1921.
Battus lors du premier scrutin au suffrage universel (1921), les libéraux se retrouvent dans l’opposition.
Au niveau provincial, il dispose déjà d’une notoriété suffisante pour être régulièrement élu conseiller provincial de Namur (1925-1935), et pour occuper la vice-présidence du conseil provincial (1929-1933). Mais en octobre 1926, Léon Sasserath tient sa revanche et devient le bourgmestre de Dinant (1927-1936).
C’est au cours de ce mandat qu’il passera commande au sculpteur Soete d’un monument destiné à commémorer les martyrs civils de 1914, à la fois ceux de Dinant et tous ceux de la Belgique (estimés alors à 23.700). L’œuvre du sculpteur Daoust, intitulée L’Assaut et inaugurée en 1927 en présence notamment du capitaine de Gaulle et du maréchal Pétain, ne suffisait pas à Léon Sasserath ; elle n’avait pas le même sens que le monument qu’il voulait absolument installer. Inaugurée en août 1936 sur la place d’Armes, l’œuvre de Soete est particulièrement monumentale ; au centre d’une longue balustrade, deux doigts levés vers le ciel en forme de V, signifient que, sur l’honneur, les Dinantais jurent qu’aucun franc-tireur n’a tiré sur les soldats allemands ; intitulée Furore Teutonico, elle sera basculée par les Panzers allemands en mai 1940. Sans doute faut-il voir dans cette initiative communale le signe de l’engagement de Léon Sasserath dans une forme du combat wallon. Le projet et l’inauguration de ce monument (en août 1936, la Belgique officielle est sur le point de modifier sa politique étrangère) provoqueront une vive polémique à dimension nationale, mais l’impact local n’est pas à négliger pour Sasserath ; son obstination dans l’édification de ce monument lui aurait vraisemblablement coûté son mandat de bourgmestre.
Membre du comité de patronage du premier congrès de la Concentration wallonne (1930), membre du comité d’honneur de la Fédération des Universitaires wallons (1933), il n’a pas rejoint son frère, Simon, au sein de la Ligue nationale pour la Défense de la Langue française. Mais son attachement à la culture française est réel, mêlé à des préoccupations wallonnes. Avocat, il devient membre dans les années 1930 du Groupement des Avocats de Langue française (1934-1940) et prend une part active dans la lutte contre le projet de loi du ministre de la Justice, Eugène Soudan, réglementant l’emploi des langues en Justice. Entré au Sénat en remplacement de Georges Hicguet décédé (novembre 1935), Léon Sasserath va représenter l’arrondissement de Namur-Dinant-Philippeville jusqu’en 1946. De 1935 à 1940, il est aussi le délégué de cet arrondissement à l’Assemblée wallonne. À ce moment, il ne partage pas totalement les vues des fédéralistes wallons. Président du groupe libéral au Sénat, Léon Sasserath cherche d’autres voies pour défendre les intérêts wallons, et s’identifie davantage au courant unioniste du Mouvement wallon. Ainsi, il n’hésite pas à présider la réunion de l’Entente libérale wallonne (Namur, 5 février 1939) qui décide de retirer sa confiance au gouvernement suite à la nomination du docteur Martens à l’Académie flamande. Sasserath faisait ainsi tomber un gouvernement comprenant trois ministres libéraux, dont le wallon et fédéraliste Émile Jennissen.
Membre du Congrès national wallon, Léon Sasserath participera au congrès wallon de la Libération (Liège, 20 et 21 octobre 1945). Membre du comité provincial namurois de patronage du Congrès national wallon de 1947, membre du comité de patronage du deuxième Congrès culturel wallon (Liège 1955), Léon Sasserath aurait été membre du Comité permanent du Congrès national wallon, à partir de 1948 et jusqu’en 1958. Membre de l’Entente libérale wallonne, il déclare en 1947 que sa fédération (Dinant) s’est ralliée au fédéralisme. 1947 est aussi l’année où il retrouve la présidence du collège dinantais. Il restera bourgmestre jusqu’en décembre 1956. On ne trouve aucune trace de la volonté de reconstruire le Furore Teutonico.
Sources
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1459
http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/bourgmestres/sasserath-leon (s.v. octobre 2014)
Mandats politiques
Conseiller communal de Dinant (1912-1956)
Échevin (1914-1921)
Conseiller provincial (1926-1935)
Bourgmestre (1927-1936)
Sénateur (1935-1946)
Bourgmestre (1947-1956)
© Institut Destrée, Paul Delforge
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