Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Monument Philippe-Charles SCHMERLING
Monument Schmerling, 5 septembre 2001.
Réalisé à partir de la copie d’un buste de Léon Mignon.
Grâce aux recherches et aux découvertes de Philippe-Charles Schmerling (1790-1836), la Wallonie peut être considérée comme le berceau des recherches préhistoriques. Ses découvertes dans la deuxième grotte dite d’Engis, vers 1829-1830, le conduisent à étayer les bases vraiment scientifiques de l’ancienneté de l’espèce humaine. Schmerling est le premier à consigner cette théorie par écrit. Si la calotte crânienne humaine qu’il a découverte ne donne pas naissance à « l’homme engisien », elle ouvre la voie à l’affirmation et à la confirmation d’une thèse solide sur les origines de l’homme lorsqu’en 1856 est découvert l’homme de Neandertal. Le crâne I d’Engis remonte bien au Néolithique. Quant au 2e crâne découvert, examiné avec attention par le professeur Fraipont (1936), il s’agit bien de celui d’un enfant néandertalien…
Un monument se devait de rendre hommage à celui qui avait fixé les bases d’une nouvelle discipline, plus précisément à :
Ph.-C. SCHMERLING (1791 -1836)
Fondateur de la paléontologie humaine
Généreux médecin
Professeur de zoologie à l’Université de Liège
Dans le district de Liège, l’homme est contemporain
de l’ours des cavernes et de plusieurs espèces éteintes.
(Schmerling, 1833-1834)
Telle est la dédicace gravée sur une plaque de bronze qui est incrustée sur le bloc en calcaire brut qui sert de piédestal au buste de Schmerling. Aux Awirs, sur la commune de Flémalle, une large esplanade est en effet consacrée à l’illustre personnage dont Léon Mignon avait réalisé le buste pour l’Académie dans les années 1884-1885. À partir d’un modèle en terre approuvé par son commanditaire, Léon Mignon cisèle en effet dans le marbre les traits de l’anthropologue. Ce buste en marbre de 80 centimètres de haut se trouve dans la galerie des bustes de l’Académie. C’est sa copie conforme qui a été reproduite pour être installée un siècle plus tard à Flémalle.
Même si son œuvre la plus connue à Liège reste Li Toré, Léon Mignon (Liège 1847 – Schaerbeek 1898) n’est pas qu’un sculpteur animalier. Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Darchis, cet élève studieux de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, qui fréquentait depuis son plus jeune âge l’atelier de Léopold Noppius, avait trouvé l’inspiration en Italie (1872-1876). Médaille d’or au salon de Paris en 1880 pour son taureau, il s’était installé à Paris (1876-1884) avant d’être contraint de venir habiter Bruxelles pour pouvoir exécuter des commandes officielles du gouvernement : c’est l’époque de ses bustes, mais aussi de la statue équestre de Léopold II particulièrement remarquable, d’une série de bas-reliefs pour le Musée d’Art moderne de Bruxelles et le Musée des Beaux-Arts d’Anvers, ainsi que d’une Lady Godiva, sa dernière œuvre.
Signataire du buste de Schmerling, Mignon ne l’a pas connu. En effet, originaire de Delft où il était né en 1790, Schmerling est décédé jeune, à Liège, en 1836. Avec sa formation de médecin, il avait entamé sa carrière dans l’armée des Pays-Bas (1812-1816), avant de s’établir comme médecin civil à Venlo d’abord, à Liège ensuite où il s’établit en 1822. Il y a repris des études et défend sa thèse en 1825. Quatre ans plus tard, il est interrogé par un directeur de carrières à Chockier qui a découvert des ossements : Schmerling se passionne alors pour la question et explore une soixantaine de grottes autour de la Meuse et de la Vesdre, et en dresse une description approfondie. Entreprenant ses « excursions » entre deux visites de patient, il publie sans que l’intérêt capital de ses découvertes n’alerte la communauté scientifique de son temps. Membre de la classe des sciences de l’Académie de Belgique (1834), chargé du cours de zoologie à l’Université de Liège, co-fondateur de la Société des Sciences de Liège (1835), il disparaît en 1836 en laissant une riche collection d’ossements qui ne sera exploitée que bien plus tard.
Non loin de l’endroit où le monument Schmerling a été inauguré en 1989, se trouvaient, le long de la rue des Awirs, quatre grottes : l’une d’elles a disparu dans l’exploitation d’une carrière ; dans Li Trô Cwaheûr, Schmerling a découvert des ossements humains et d’animaux aujourd’hui disparus. En 1899, d’autres chercheurs ont exploré la quatrième grotte qui révéla l’existence d’une sépulture néolithique comprenant les restes de quatre individus. L’initiative du monument remonte à 1988 et en revient au professeur Hamoir du département de Paléontologie de l’Université de Liège, à l’absl « Science et Culture », et aux « Chercheurs de Wallonie ». Sous la conduite de la firme liégeoise Menchior, la pierre calcaire offerte par la société Carmeuse a été taillée par la maison Opsomer (Ivoz-Ramet) qui réalisa aussi la plaque. Si de hautes personnalités (notamment André Cools) assistent à l’inauguration, le monument est aussi un projet partagé par les habitants, notamment par ceux qui acceptèrent de concéder de leur terrain pour accueillir la pierre commémorative. Néanmoins, son emplacement initial, en contrebas de la cavité, n’est pas idéal ; en raison de l’importance de Schmerling, il est décidé d’accorder une meilleure visibilité à son monument qui est déplacé sur la place de l’Église Saint-Étienne (2001). Le projet est mené par les autorités communales et la Direction de l’Archéologie du MET, avec l’appui du Préhistosite de Ramioul et des initiateurs du projet en 1989. La nouvelle inauguration coïncide avec l’organisation du XIVe Congrès de l’UISPP-Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques (5 septembre 2001). Dans le même temps, les habitants du quartier se mobilisent autour d’un projet-mémoire (avec le soutien de Qualité-Village-Wallonie asbl).
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.trekearth.com/gallery/Europe/Belgium/Wallonia/Liege/Awirs/photo334414.htm
http://www.hermalle-sous-huy.be/fr/tourisme-hermalle.html (s.v. octobre 2013)
Léon FREDERICQ, Ph-Ch. Schmerling, dans Biographie nationale, t. XXI, Bruxelles, 1913, p. 728-734
Liliane HENDERICKX, Ph-Ch. Schmerling, dans Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 288-
Jacques VAN LENNEP, Les bustes de l’Académie royale de Belgique. Histoire et catalogue raisonné précédés d’un essai. Le portrait sculpté depuis la Renaissance, Bruxelles, Académie royale, 1993, p. 376-377
Willy LEMOINE, Léon Mignon, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 491-493
Hugo LETTENS, Léon Mignon, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 504-508
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Les Chroniques, Flémalle, commission historique, 2010 sur http://www.flemalle.be/ckfinder/userfiles/files/Philippe-Charles%20Schmerling,%20pr%C3%A9curseur.pdf (s.v. mai 2014)
Michel TOUSSAINT, Les hommes fossiles en Wallonie, Carnets du Patrimoine, n°33, Namur, 2001
Michel TOUSSAINT, Déplacement du monument Schmerling, dans Chronique de l’archéologie wallonne, Namur, Ministère de la région wallonne, 2002, n°10, actualité archéologique 2001, p. 99-101
Place de l’Église Saint-Étienne
4400 Flémalle
Paul Delforge