Lemaire Aimée épouse Bologne

Militantisme wallon

Saint-Gilles 06/01/1904, Nalinnes 20/12/1998

Féministe, libertaire, révolutionnaire, fédéraliste, gauchiste, libre-exaministe, pacifiste, résistante et wallonne, Aimée Lemaire est une femme au caractère bien trempé qui a traversé le XXe siècle avec ses convictions chevillées au corps, qu’elles que soient les circonstances.

Admise à l’Université libre de Bruxelles après avoir réussi le jury central, Aimée Lemaire est l’une des rares jeunes filles de son époque à décrocher un doctorat en Philologie classique (1926). Professeur de latin, grec, français et histoire à la section d’Athénée de l’École moyenne de l’État de Charleroi (1926-1930), elle y est la première universitaire, de l’ULB, à donner cours dans une école de l’État. Professeur à l’Athénée d’Ixelles (1930-1943), elle retrouvera Charleroi où elle s’établit quand elle est nommée, en 1943, à la direction de l’École moyenne pour filles, devenue Lycée en 1949.

De son passage à l’ULB, elle a gardé un profond engagement libre-exaministe. Militante socialiste, politique et syndicale, elle partage ses idées politiques avec Maurice Bologne, son mari depuis 1929. Engagée aussi dans le mouvement féministe, elle est membre fondatrice de la section belge du « mouvement de la Porte ouverte » qui lutte pour l’égalité des sexes dans la vie et dans le travail. Militante pour la paix et contre le fascisme, solidaire des Républicains espagnols, elle adhère au Mouvement wallon, contribue à la naissance de la Garde wallonne de Bruxelles, ainsi qu’à la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie (11 juin 1938) qui va occuper beaucoup du temps du couple Bologne-Lemaire.

Ses multiples engagements poussent Aimée Lemaire à trouver refuge en France dès le début de mai 1940. Après un bref exil en France, elle rentre au pays où elle contribue au développement du mouvement wallon de résistance Wallonie libre, en particulier à la rédaction et à la diffusion de son journal. Première préfète des études de l’École moyenne pour filles à Charleroi, elle prend des risques pour éviter à une vingtaine d’anciennes étudiantes d’être incorporées au Service du Travail obligatoire et fait disparaître la liste des rhétoriciennes en âge de travailler...

Membre du Front de l’Indépendance, membre fondatrice de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Aimée Lemaire va contribuer aux multiples actions du Mouvement wallon de l’après Libération, du Congrès national wallon au Comité d’Action wallonne en passant surtout par la création, en 1961, de l’Institut Jules Destrée. Surnommée « la préfète Rouge », Aimée Lemaire met en effet un terme à sa carrière professionnelle, au moment où éclate la grève wallonne contre la Loi unique.

Conférencière abordant des thématiques culturelles, la directrice des travaux de cet Institut pendant 15 ans (1960-1975) va désormais contribuer à une meilleure connaissance du passé de la Wallonie et de ses richesses artistiques par une politique résolue de publications et de manifestations diverses (expositions, conférences, etc.). En éditant plus de trente livres, Aimée Bologne-Lemaire va constituer « la première bibliothèque wallonne » (Destatte). Elle est elle-même l’auteur d’un ouvrage consacré à Arille Carlier ou la conscience wallonne (Institut Jules Destrée, 1969) et d’une biographie succincte de Jules Destrée (Institut Jules Destrée, 1976).

Apportant aussi une importante collaboration à Wallonie libre (comité de rédaction, congrès, action), elle soutient le travail de Maurice Bologne lorsque ce dernier est élu parlementaire du Rassemblement wallon (1968-1975). Elle-même candidate sans être élue, elle anime la Commission féminine fédérale du jeune parti (1968) et va organiser l’importante Journée des Femmes du 19 avril 1975 à la Maison de la Culture de Namur. En 1983, Aimée Lemaire est l’une des premières à signer le Manifeste pour la culture wallonne.

Sources

Philippe DESTATTE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 966-970
Catherine JACQUES, dans Dictionnaire des femmes belges, Bruxelles, Racine, 2006, p. 364-366
Des femmes dans l’histoire en Belgique depuis 1830, Bruxelles, Luc Pire, 2006, p. 115