Jaspar Paul

Culture, Architecture

Liège 23/06/1859, Liège 18/02/1945

La formation scolaire du jeune Jaspar est chaotique : pour ce fils de patron d’industrie que le travail manuel ne rebute pas l’école paraît inutile ! Inscrit d’abord à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1875), Paul Jaspar fréquente ensuite celle de Bruxelles (1878), et en ressort diplômé en 1883, mais surtout décidé à se consacrer à l’architecture dont quelques principes lui ont été inculqués par Félix Laureys. Condisciple de Victor Horta et de Paul Hankar (son futur beau-frère) à l’Académie, il a surtout tiré profit d’un long stage dans l’atelier de Henri Beyaert. Le traditionnel voyage en Italie conforte Jaspar dans ses goûts pour l’architecture régionale. À Florence, grâce à Henri Simon, Paul Jaspar a l’occasion de rencontrer l’avocat Clochereux pour lequel il réalise les plans de sa première villa de campagne, à Lincé (circa 1884 et sv.).
Pionnier du retour aux traditions locales et chef de file de la néo-Renaissance mosane, architecte moderniste, Jaspar est conscient de vivre dans une période où de nouveaux matériaux font leur apparition. Ayant retenu la rigueur de Beyaert tout en étant inspiré par Hankar et l’Art nouveau, Paul Jaspar intervient pour des cheminées, vitraux et autres façades, avant d’obtenir des commandes significatives de maisons, de villas ou de bâtiments de la part d’artistes, de bourgeois ou d’industriels de la cité Ardente : Armand Rassenfosse, Charles Magnette, Émile Berchmans, l’imprimeur Auguste Bénard, le directeur de la Métallurgie de Prayon, etc.

Auteur de projets de maison situées essentiellement dans sa ville natale, surtout actif entre 1890 et 1905, Jaspar commet quelques rares réalisations en dehors de Liège : pour des particuliers à Bruxelles, à Spa et en Allemagne. Respectueux de l’architecture mosane traditionnelle, il renouvelle le genre en exploitant par exemple les potentialités que lui offrent le métal, le béton armé, le verre et le bois. Architecte moderniste, trois constructions caractéristiques ne sont malheureusement plus là pour le prouver (maison de Hoboken, 1903, Les Galeries Liégeoises (rue Pont d’Avroy) et les bâtiments de la Renommée, rue Laport, à Liège, 1905). 

Novateur épris du passé (la formule est de Delchevalerie, parodiant sans doute du vieux, du neuf, le titre d’une brochure publiée par Jaspar en 1898), considéré aujourd’hui comme « l’introducteur de l’Art nouveau à Liège », membre actif de l’Association des architectes de Liège, il se définit lui-même comme régionaliste. Lors du Congrès wallon organisé à Liège en 1905, il s’efforce d’ailleurs de définir la spécificité wallonne en architecture (rapport sur le sentiment wallon en architecture). Vice-président de la section liégeoise de la Société des Amis de l’Art wallon, lors de sa création en 1912, Paul Jaspar affirme, la même année, qu’il existe une communauté de sensibilité et de mentalité entre tous les Wallons, de Tournai à Verviers. Il figure aussi parmi les fondateurs du Musée de la Vie wallonne et, l’année suivante, du Musée d’Architecture.

Durant les années qui vont de 1899 à 1910, Paul Jaspar n’est pas seulement architecte. Il est aussi le patron de la SA Les Ateliers Jaspar, que dirige son frère André depuis le décès de leur père Joseph, en 1899. À partir de 1910, les ACEC deviennent actionnaires majoritaires et l’architecte peut se consacrer à ses seules passions. Pendant la Grande Guerre, il porte toute son attention à la préservation des monuments. Après l’Armistice, l’architecte se concentre sur trois grands projets : un projet de monument commémoratif de la Défense nationale (beffroi ou colonne de 70 mètres de haut) qui ne se fera pas (1920), la reconstruction de l’hôtel de ville de Visé (1921) et enfin la supervision de la reconstruction de Dinant.

Membre correspondant (1921) puis membre titulaire (1929) de l’Académie de Belgique, classe des Lettres, Jaspar en devient le directeur en 1933. Deux ans plus tard, il abandonne son métier d’architecte, constatant avec regret « la faillite de l’art régional ». En 2009, la ville de Liège lui a consacré diverses manifestations d’importance à l’occasion du 150e anniversaire de sa naissance.

 

Sources

Sébastien CHARLIER (dir.), Carole CARPEAUX, Monique MERLAND, Paul Jaspar architecte (1859-1945), Liège, Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles, 2009
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 864
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Etudes et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 92-94
Victor-G. MARTINY, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 3, p. 200-204
Charles DELCHEVALERIE, Un architecte liégeois, dans Wallonia, juin 1903, p. 142