L’expression Entartete Kuns (art dégénéré) a été employée pour la première fois par Joseph Goebbels, le ministre chargé de la propagande du Reich, pour qualifier toute œuvre ne correspondant pas aux critères idéologiques des nazis. Cubisme, dadaïsme, expressionnisme, futurisme, impressionnisme, abstrait, surréalisme étaient dans le collimateur d’un régime qui ne croyait qu’en un seul art, un art allemand multiséculaire. Soucieux de faire disparaître l’art dégénéré tout en retirant – quand même – le meilleur prix, les autorités de Berlin confient une partie des œuvres à des marchands berlinois et organisent une grande vente internationale, à Lucerne, à la Galerie Théodore Fischer, le 30 juin 1939. 126 œuvres sont mises aux enchères et 9 d’entre elles sont acquises par la ville de Liège.
Conseillé par Jacques Ochs et Jules Bosmant, l’échevin Auguste Buisseret a envoyé une délégation en Suisse, disposant d’un budget réuni sur fonds publics et avec l’aide de mécènes privés. Les tableaux qui entrent alors dans les collections liégeoises sont de qualité : La Mort et les Masques de James Ensor (1897), Le sorcier d’Hiva-Oa ou Le Marquisien à la cape rouge de Paul Gauguin (1902), La famille Soler de Pablo Picasso (1903), Le cavalier sur la plage de Max Liebermann (1904), Les chevaux bleus ou Chevaux au pâturage de Franz Marc (1910), La maison bleue de Marc Chagall (1920), Le déjeuner de Jules Pascin (1923), Portrait de jeune fille de Marie Laurencin (1924), Monte-Carlo d’Oskar Kokoschka (1925).
Avec ce qui restait du montant alloué pour la vente suisse, la ville de Liège acquiert encore, cette année-là, à Paris, neuf autres tableaux : Le port d’Anvers d’Othon Friesz, Paysan au fagot (projet de vitrail) de Marcel Gromaire, Écluse du Moulin Bouchardon à Crozant d’Armand Guillaumin, Nu de Charles Picart-Ledoux, Le château de Comblat de Paul Signac, Le Moulin de la Galette de Maurice Utrillo, La violoniste de Kees Van Dongen, Fleurs rouges de Maurice de Vlaminck.
Les neuf tableaux de Lucerne ont fait l’objet d’un classement parmi les biens exceptionnels de Wallonie par la Fédération Wallonie-Bruxelles.